Nom d'une Pipe!

Nous sommes en juin 1911, en milieu de matinée, une foule nombreuse autant qu’inhabituelle se presse aux abords du champ de manœuvres d’Issy-les-Moulineaux. Le ciel, sans nuages et d’un bleu glorieux, annonçait une belle journée. Il fallait une occasion d’importance pour susciter ce rassemblement du tout Paris et des faubourgs à s’entasser jusque sur les toits des wagons du chemin de fer de ceinture, et les voitures de maître à quitter leurs garages en cortèges sitôt le jour levé… Pour les Parisiens, c’était une fête incroyable à laquelle ils se trouvaient conviés. C’était le départ d’une course aérienne : la première d’envergure à une époque où l’aviation sortait tout juste des balbutiements expérimentaux et où les prouesses techniques et la bravoure des pionniers de l’air captivaient les foules. Une vingtaine de candidats allaient s’affronter et rivaliser d’adresse au départ du terrain d’Issy, et cela seul aurait suffi à déchaîner les passions : mais la course marquait de plus le début des festivités du Solstice, destinées cette année-là à célébrer en grande pompe l’alliance unissant Paris à son homologue féerique Ambremer.
Depuis le début du mois, les journaux avaient savamment distillé l’enthousiasme, dévoilant progressivement les portraits des concurrents et les caractéristiques des machines à bord desquelles ils se proposaient de défier la gravité : Il y avait là de simples humains comptant sur d’invraisemblables assemblages de bois et toile pour s’arracher au sol, des initiés dont le recours à la magie promettait d’étonnants prodiges, et même quelques représentants d’OutreMonde sur lesquels on avait laissé planer un mystère fascinant.
Quelle qu’en soit l’issue, cette épreuve ferait date et justifiait que tout Paris, de l’ouvrière au ministre, soit venu communier au coude à coude dans une même ferveur populaire.